Ils ont fait Notre-Dame... Guillaume Bardet, sculpteur et designer & Nicolas Marischael, orfèvre.
Guillaume Bardet a imaginé le mobilier liturgique et ses objets. Ces derniers ont été réalisés par l'orfèvre Nicolas Marischael. Ils sont tous deux lauréats du Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main®.
« En avril 2019, je travaillais à la mise en place d’une exposition dans la galerie Kreo à Paris quand est survenu l’incendie de la cathédrale. J’étais à côté, je l’ai vu brûler ! Lors du vernissage, deux jours plus tard, le drame était dans tous les esprits et plusieurs personnes m’ont dit que la table que je présentais pourrait être celle de Notre-Dame. Ces mots sont restés dans ma mémoire. J’ai déposé ma candidature en octobre 2022, répondu à l’appel d’offres ouvert pour créer le mobilier liturgique de la cathédrale en passant cinq mois à ne faire que cela.
Avec les pièces que j’ai imaginées (l’autel, l’ambon, les fonts baptismaux, la cathèdre, le tabernacle), je souhaite m’adresser aux catholiques mais pas seulement à eux. Faire comprendre qu’il est question ici de religion et, plus largement, de spiritualité. Pour cela, j’ai travaillé autour d’une triple temporalité – passé, présent et avenir. Je cherche en fait à être dans une forme de présent perpétuel, dans l’immuable. Cela passe par des lignes pures, une simplicité, une recherche de l’évidence. J’ai d’abord pensé à la pierre pour les créer mais en visitant Notre-Dame en janvier 2023, j’ai découvert que les pierres de la cathédrale, déjà nettoyées, diffusaient une lumière extraordinaire avec laquelle il est impossible de lutter. Il fallait une autre matière pour coexister, le bronze s’est imposé. Les pièces ont été réalisées à partir de mes moules à la fonderie Barthélémy Arts (à Crest) et sont arrivées en plusieurs morceaux qu’il a fallu souder, polir, patiner. L’autel seul a demandé 1 000 heures de travail ! Tout a été mis en place il y a quelques semaines avec l’équipe de la fonderie, 40 artisans de toutes nationalités et de toutes religions, sans compter les non croyants. Tout le monde était ému, bouleversé, transcendé par ce projet commun »
« J’ai réalisé la totalité des objets liturgiques à partir des dessins de Guillaume Bardet, 19 pièces en tout : les calices, les encensoirs, le plateau à burette, le ciboire du tabernacle en argent massif… Le résultat est le fruit d’une collaboration très facile avec Guillaume avec lequel je partage ce goût pour la sobriété, les lignes pures, un parfait équilibre. J’ai réalisé ces objets en quatre mois, ce qui constitue une vraie prouesse, mais je maitrisais toutes les techniques d’orfèvrerie requises, du travail au marteau pour la navette ou le planage ancestral du plateau, jusqu’aux techniques numériques utilisées pour les encensoirs. Un ensemble de savoir-faire qui vont du XVIe siècle au XXIe ! Mon père me disait que pour les orfèvres, l’essentiel était de maitriser toutes les techniques afin d’être le plus indépendant. Tourneur, soudeur, monteur, polisseur… Je suis tout à la fois, ce qui est un avantage.
Le cheminement de fabrication de chaque pièce était dans la tête, j’ai connu certains moments de solitude dans mon atelier, et parfois de stress car les délais étaient tels que je n’avais pas le droit à l’erreur. Il me reste aujourd’hui une grande fierté. Le calice et une patène vont rester dans la sacristie. J’inscris ainsi le nom de mon père et de mon grand-père – une lignée d’orfèvres – au cœur du Trésor de Notre-Dame. »