Membre de l’Académie des sciences et professeur au Collège de France, Hugues de Thé préside le Conseil scientifique de la Fondation depuis dix ans. A l’occasion de la remise des Prix scientifiques, il nous présente le palmarès 2024, et le rôle clé de ce mécénat dans la recherche française en sciences de la vie.

La Fondation encourage la recherche en sciences de la vie depuis plus de 30 ans. Pouvez-vous nous rappeler la philosophie de cet engagement ?

Elle tient tout entière à la volonté de participer au rayonnement de la recherche française. Pour cela, la Fondation agit selon ses valeurs et ses convictions. Elle croit avant tout à l’humain, aux hommes et aux femmes d’exception qui ont envie de faire avancer les choses. Rappelons sa devise, « donnons des ailes aux talents  ». Elle ne soutient pas des institutions, mais des projets de recherche portés par des talents. 

La Fondation possède une solide connaissance de la recherche française, qui éclaire le choix de ses actions. Sa dotation, substantielle, lui permet d’agir avec efficacité mais pas seulement. Elle a pour parti-pris de ne pas effectuer de « saupoudrage » mais de s’engager à long terme autour de quelques projets forts. Cette stratégie se révèle très efficace. Le temps long de la Fondation va avec le temps long de la science.

Ce mécénat prend notamment la forme de Prix et de dotations décernés chaque année par le Conseil scientifique que vous présidez. Pouvez-vous nous le présenter ?

Nous sommes quatorze chercheurs français et étrangers, avec des expertises qui couvrent une très large part du spectre des sciences de la vie. Nous nous réunissons pour sélectionner les lauréats des différents prix après l’expertise de rapporteurs externes et internes et une audition par notre conseil. Nous formons un groupe qui fonctionne avec une liberté de parole complète et des complémentarités de compétences précieuses. Pour nous tous, la nature du projet scientifique est importante mais l'enthousiasme, le rayonnement, la créativité qui s'expriment à travers une discussion avec un chercheur sont aussi des éléments déterminants du choix final.

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Ces récompenses n’ont cessé de s’enrichir. Quelles sont-elles aujourd’hui ?

Elles sont au nombre de trois. Le Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant a été créé en 1997 pour distinguer le travail d’un chercheur ou d’une chercheuse de moins de 45 ans, jouant à la fois le rôle d’une première consécration internationale et d’un accélérateur de carrière. 

Depuis 2005 et en partenariat avec l’Inserm et le CNRS, la dotation ATIP-Avenir permet à un jeune chercheur de haut niveau (français ou étranger) de créer sa propre équipe, permettant ainsi son retour ou son installation en France. 

Enfin, Impulscience® soutient chaque année sept chercheurs en milieu de carrière, moment souvent critique dans un parcours scientifique. Né en 2022, Impulscience® s’appuie sur l’ERC (Conseil Européen de la Recherche), ce programme européen très prestigieux qui soutient les meilleurs chercheurs et les projets les plus innovants. Nous auditionnons les chercheurs dont le projet a été jugé excellent mais qui n’ont pas été soutenus par manque de fonds européens, en possédant tous les éléments d’évaluation des comités internationaux auxquels nous ajoutons les nôtres. Nous en retenons chaque année sept, dont nous finançons les projets, à hauteur de 2,3 millions d’euros sur une durée de 5 ans.

Quel rôle jouent ces soutiens dans la recherche française ?

Ce mécénat est unanimement salué par la communauté scientifique française, notamment ses dotations qui permettent de soutenir les chercheurs dans la durée, à tous les moments clé de leur parcours. L’engagement de la Fondation a beaucoup gagné en visibilité ces dernières années et joue désormais un rôle important dans le paysage de la recherche en sciences de la vie. Outre un soutien financier direct, ses Prix apportent une reconnaissance internationale aux lauréats, grâce à l’excellence des chercheurs déjà distingués…

Venons-en à l’édition 2024 du prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant. Quel univers de recherche avez-vous soutenu à travers ce choix ?

Le Prix était dévolu cette année aux candidats dont l'activité de recherche s'exerce en Europe, mais hors de France. Le Conseil scientifique international de la Fondation a d'abord constaté l'extrême qualité des nombreuses candidatures soumises, et a retenu le travail de la chercheuse Andrea Ablasser. Cette spécialiste de la voie cGAS-STING  voie de signalisation intracellulaire impliquée dans de multiples réponses face aux pathogènes  a suscité l'enthousiasme des membres du Conseil scientifique. Elle propose en effet une nouvelle approche, très prometteuse, dans la compréhension du cancer, des maladies infectieuses, du vieillissement. Nous sommes là au cœur d’un sujet de recherche majeur, et très actif au niveau mondial.

Découvrir les travaux d'Andrea Ablasser

Passons à la dotation du programme ATIP-Avenir. Pouvez-vous nous présenter la lauréate 2024 ?

Nous avons choisi de récompenser Meryem Baghdadi qui souhaite monter un groupe de recherche au sein de l’Institut Necker Enfants Malades. Cette chercheuse étudie la régulation mécanique de l’environnement des cellules souches intestinales dans le développement des maladies de l’intestin, qu’il s’agisse de cancer ou d’inflammation. Meryem Baghdadi travaille à l’intersection de deux domaines, la mécano-biologie et la biologie des cellules souches. Nous sommes heureux de saluer une recherche qui s’intéresse à différentes facettes de la biologie. L’interdisciplinarité est toujours féconde.

Meryem Baghdadi | ATIP-Avenir 2024

Et quelle est la singularité de la nouvelle promotion Impulscience® ?

L’une de nos surprises a été de découvrir, cette année, un très grand nombre de candidatures dans le domaine des neurosciences. La sélection des sept lauréats met en évidence le dynamisme, la richesse et la diversité de la recherche dans notre pays. Bien sûr des neurosciences, mais aussi de la génétique, de la biologie cellulaire, de la physiologie, sans oublier les sciences fondamentales sur lesquelles s'appuient la biologie, comme la chimie des protéines. En tout, près de 20 candidats ont été auditionnés et les lauréats ont été choisis sur leurs projets de recherche et sur l'enthousiasme et la créativité exprimés lors de cette discussion.

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La chercheuse Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de Chimie 2020, est la marraine d’Impulscience® depuis la naissance de ce programme. Quel rôle joue-t-elle ?

Sa renommée est un atout essentiel pour notre mécénat. Son engagement à nos côtés est une validation du mode d'action choisi par la Fondation en faveur de la recherche et des chercheurs. Un soutien centré sur la créativité, la confiance et le temps long.

Depuis leur création, ces Prix ont salué près de 500 lauréats qui forment une véritable communauté. Quel type de liens se tissent entre les chercheurs, et participez-vous à les enrichir ?

La Fondation organise régulièrement des rencontres entre les lauréats. Nous découvrons qu’au sein de ce réseau, des liens aussi bien amicaux que professionnels se sont constitués. La science se nourrit aussi d’échanges, hors des cadres relationnels habituels. Dans cet esprit, la Fondation propose des séminaires sur des sujets qui dépassent le strict domaine scientifique. Intitulé « Arts & Sciences : l’émergence de la créativité », le dernier en date a réuni scientifiques et artistes de tous âges et de toutes disciplines. Trois jours de conférences et de rencontres inédites, plébiscitées par tous les participants !

Le réseau des lauréats scientifiques de la Fondation Bettencourt Schueller