Stéphane Bugeon De l’éveil au sommeil, le cerveau s’adapte aux changements d’états
Stéphane Bugeon, chargé de recherche Inserm, chef de l’équipe « Circuits neuronaux et codage sensoriel » à l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée (Inmed), Marseille
- 2024 • Impulscience
Le cerveau ajuste continuellement ses réponses aux stimuli internes et externes. Dans ce cadre, Stéphane Bugeon décode comment des neurones particuliers, les interneurones inhibiteurs, adaptent leur activité en fonction de l'état du cerveau, comme la vigilance ou le sommeil. En combinant des techniques avancées d’imagerie neuronale et de génétique, le chercheur met en lumière de nouvelles facettes de la perception sensorielle et des mécanismes cérébraux.
Comment le cerveau adapte-t-il ses réponses aux stimuli ?
Notre cerveau est en constante adaptation, passant d'un état interne à un autre, tel que l'éveil, la vigilance ou la somnolence. Ces changements s’accompagnent de fluctuations importantes dans l'activité des neurones, qui influencent à leur tour notre capacité à traiter les informations sensorielles qui nous parviennent, et à prendre des décisions appropriées. Par exemple, une personne endormie ne réagira pas de la même manière aux bruits ambiants que si elle était éveillée.
Cette capacité d’adaptation du cerveau est régulée par un réseau complexe de cellules nerveuses dans le cortex cérébral, dont les interneurones inhibiteurs font partie. Ces derniers envoient des messages aux autres neurones du cortex afin d’adapter la réaction de notre cerveau face à divers stimuli.
Les interneurones se divisent en de nombreux sous-types ayant chacun des fonctions spécifiques. On en dénombre notamment 60 différents rien que dans le cortex visuel, la partie du cerveau qui traite les stimulations visuelles. Cependant, il est encore difficile de comprendre comment chaque sous-type contribue à l’activité cérébrale dans un cerveau en action. En d’autres termes, quel sous-type fait quoi.
Des innovations prometteuses pour les neurosciences
Stéphane Bugeon et son équipe explorent comment le cerveau adapte ses réponses. En combinant des techniques avancées d’imagerie neuronale et de génétique, les chercheurs ont cartographié les différents types d’interneurones dans le cortex visuel de la souris et observé leur activité. De précédentes recherches ont montré que l’activité des interneurones varie selon l’état interne de l’animal. Les travaux multidisciplinaires de Stéphane Bugeon vont plus loin, en révélant que cette variation est dictée directement par les gènes des interneurones. Autrement dit, il est possible de prédire à partir de leur identité génétique, comment les interneurones vont réagir en fonction de l'état interne dans lequel l’animal se trouve. Reste désormais à comprendre les mécanismes de fonctionnement sous-jacents à cette découverte.
Du cortex visuel au cerveau tout entier
Grâce à Impulscience®, Stéphane Bugeon va étudier si la relation entre l’état du cerveau et l’activité des interneurones, mise en évidence dans le cortex visuel, se généralise à l’ensemble du cortex. Afin de mieux cerner les mécanismes qui modulent l’activité des interneurones, il se penchera sur le rôle de l’acétylcholine (ACh), un neurotransmetteur important pour la régulation de l'état cérébral. L’objectif est de déterminer si tous les sous-types d’interneurones répondent de la même manière à l’ACh ou si des différences expliquent leurs variations d'activité. Enfin, le chercheur investiguera si les signaux en provenance du thalamus, la partie du cerveau qui transmet les informations sensorielles au cortex, interagissent avec l’ACh dans le cortex pour organiser spatialement les signaux associés aux états internes.
Ce projet ambitieux combine des outils de pointe d’imagerie et de génétique et promet des avancées majeures dans notre compréhension du cerveau. Ces découvertes ouvriront en particulier de nouvelles voies pour explorer comment les interneurones inhibiteurs influencent la perception sensorielle selon l'état cérébral.
Stéphane Bugeon en quelques mots
Stéphane Bugeon a effectué son doctorat à l’Institut de Biologie du Développement de Marseille. Pendant son séjour post-doctoral à l’University College London (Royaume-Uni) entre 2018 et 2023, il s’est intéressé à la diversité génétique et fonctionnelle des interneurones présents dans le cortex. Il est devenu chargé de recherche Inserm en 2023, et dirige actuellement l’équipe « Circuits neuronaux et codage sensoriel » à l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée (Inmed), Marseille.
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