3 questions à Catherine Romand et Clémence Althabegoïty Entretien avec le duo de lauréates du Prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main - Dialogues 2024.
Vannière et designeuse, Catherine Romand et Clémence Althabegoïty sont lauréates du Prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main® - Dialogues pour leur pièce Tresser l'ombre.
Comment est née cette oeuvre et quel message souhaitez-vous porter ?
Catherine Romand. Cette pièce est le fruit d’une collaboration rare car nous avons travaillé avec Clémence à toutes les étapes du projet, y compris sa conception. Cet objet inédit m’a permis de repousser les limites techniques de la vannerie, notamment dans le mélange des couleurs. Aventure professionnelle, cette pièce a aussi été l’occasion d’une rencontre rare et intense, avec 30 années d’écart !
Clémence Althabegoïty. La création de cette ombrière est d’abord une façon de mettre en lumière la culture de l’osier qui fonctionne sur un cycle d’un an seulement et se révèle très sensible aux saisons. Les récoltes sont en quelque sorte le témoin de la météo d’une année, et des effets du dérèglement climatique. Nous avons voulu confronter la dimension intangible du trajet du soleil et ces changements climatiques qui bouleversent la nature afin de donner à réfléchir, avec une expérience totalement immersive. Une façon de vivre concrètement le rapport au temps, aux saisons et à la nécessité de préserver la nature.
Que représente cette récompense pour vous ?
C.R. Ce Prix est, à mes yeux, le plus prestigieux dans l’univers des métiers d’art. J’ai reçu la nouvelle avec beaucoup d’émotion et de fierté. Elle est une reconnaissance de mon travail mais surtout de la vannerie, un artisanat trop souvent éclipsé. Avec ce Prix, c’est cet univers tout entier qui est célébré.
C.A. Cette récompense est d’abord une joie, l’aboutissement d’une aventure humaine très intense menée avec Catherine. Elle vient également valider notre projet et nous permettre de poursuivre une recherche qui n’aurait pas pu être menée sans soutien.
Quel projet allez-vous développer, grâce à l’accompagnement de la Fondation ?
C.R. - C.A. Pour traiter l’osier afin d’en permettre un usage extérieur, on utilise aujourd’hui la technique de l’autoclavement. Les tiges sont mises dans des étuves et injectées de produits chimiques avant d’être tressées, ce qui rend leur dégradation très dangereuse. Face à cela, nous travaillons à redonner vie à une technique ancestrale qui exploite les résidus de saule via un système de pyrolyse (écorce, branchus) pour obtenir ce que l’on appelle le brai de saule, une matière totalement naturelle qui offre de vraies propriétés de protection de l’osier. Nous avons déjà engagé un partenariat avec le CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement) afin de poursuivre l’expérience. L’objectif ? Parvenir à la création d’une matière naturelle produite en circuit court pour permettre de développer la vannerie en extérieur.