Quelles sont les origines génétiques des retards mentaux ? Cette question complexe et peu étudiée est au cœur des recherches de Jamel Chelly. Les réponses qu'il découvre peu à peu pourraient aider des personnes atteintes de certains troubles à mieux vivre leur condition.

Les retards mentaux, symptômes d'une « connexion perdue »

Les affections neurologiques ont des origines génétiques très diverses. En revanche, les processus cellulaires touchés concernent presque toujours l’organisation du cytosquelette. Cette structure intracellulaire est impliquée dans la croissance axonale et dendritique des neurones.

En effet, nos neurones sont constitués de trois éléments essentiels : les dendrites, qui reçoivent un signal nerveux, le soma, corps cellulaire qui le décode, et l'axone, qui le transmet. Autrement dit, lorsque le cytosquelette est touché, c’est donc la connectique même du cerveau qui est atteinte. Mieux comprendre ce dysfonctionnement pourrait donc ouvrir la voie vers une meilleure prise en charge de certains troubles mentaux.

Décoder la génétique des retards mentaux

Jamel Chelly contribue depuis près de trente ans à la compréhension des bases génétiques d’affections neurologiques. Les travaux de ce chercheur ont révolutionné l’approche des déficiences intellectuelles. Il a en effet démontré qu’il était possible d’en étudier les bases moléculaires, et ce malgré la complexité du problème.

Constatant que 30 % des patients atteints de la myopathie de Duchenne souffrent de retards mentaux, Jamel Chelly a tourné ses recherches dans cette direction. Après trois années de travail acharné, il est parvenu à offrir une explication génétique. Ses travaux portent l'espoir d'améliorer la condition des personnes atteintes de retards mentaux.

Le soutien de la fondation

Le chercheur a été soutenu par la Fondation pour ouvrir un nouveau champ d’exploration : l’étude des mécanismes des troubles de la migration neuronale et des malformations du cortex. Son équipe a découvert de nombreux gènes impliqués dans le développement des retards mentaux, notamment présents sur le chromosome X. Les mutations qui les affectent provoquent des retards mentaux chez près de deux garçons sur mille.

Ces découvertes aident non seulement à comprendre les mécanismes de la cognition d’un point de vue fondamental, mais facilitent également le diagnostic et la prise en charge des enfants. Elles permettent de développer une approche rationnelle des traitements (psychomotricité, acquisition du langage, enseignement, etc.) selon les besoins spécifiques de chacun.

Jamel Chelly en quelques mots

Jeune docteur, Jamel Chelly se spécialise en médecine génétique auprès d’Axel Kahn et de Jean-Claude Kaplan. Il découvre à leurs côtés la dystrophine, protéine responsable des myopathies de Duchenne et de Becker. Admis premier au concours du CNRS, il continue ses recherches sur l’expression de la dystrophine et développe sa méthode d'analyse de l’ARN.

Il découvre ainsi le phénomène de la transcription illégitime. Cette expression à très faible niveau de n’importe quel gène dans n’importe quel tissu vient « chatouiller » les dogmes de la génétique. Il parvient en 1998 à trouver l'explication génétique de certains troubles mentaux, en étudiant la myopathie de Duchenne. Ses recherches se poursuivent depuis.

  • 1983 Doctorat de médecine, École médicale de Sfax (Tunisie)

  • 1987 Doctorat génétique humaine, Université Paris Descartes

  • 1988 Chargé de recherche au CNRS, unité Inserm Génétique et pathologie moléculaires, hôpital Cochin, Paris

  • 1991 Post-doctorat dans le laboratoire du Professeur Anthony Monaco, Weatherall Institute of Molecular Medicine, Université d’Oxford (Royaume Uni)

  • 1992 Médaille de bronze du CNRS

  • 1994 Directeur de recherche au CNRS, Institut Cochin, Paris

  • 1995 Directeur du laboratoire de génétique et physiopathologie des maladies neurodéveloppementales et neuromusculaires, Paris

  • 1999 Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant

Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant

Le Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant récompense chaque année un chercheur de moins de 45 ans pour l’excellence de ses travaux et sa contribution remarquable à son domaine de recherche scientifique. Ce prix est attribué selon les années à un chercheur établi en France ou travaillant dans un autre pays d'Europe. Vingt-sept lauréats ont été récompensés depuis 1997. A partir de 2023, la dotation de ce prix récompense personnellement le lauréat à hauteur de 100 000 euros.

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