Si l'on connaît bien le rôle de l'ARN dans la synthèse de protéines, les fonctions de l'ARN non codant, pourtant largement majoritaire, demeurent énigmatiques. Le défi d'Alena Shkumatava est de parvenir à déterminer les fonctions biologiques et les mécanismes biochimiques de cet ARN non codant.
De l'ADN à l'ARN
Notre ADN comprend 23 paires de chromosomes, formés de plus de 3 milliards de nucléotides organisés en quelque 25 000 gènes. Segment d'ADN, un gène est une séquence de nucléotides qui, retranscrite en ARN, permettra la synthèse d'une protéine.
Pourtant, les gènes ne représentent qu'une toute petite partie de notre ADN. On évalue à plus de 98% la proportion d'ADN " non codant ", c'est-à-dire ne supportant pas d'instructions pour la construction de protéines. Or la totalité de notre ADN est bien transcrite en ARN et génère donc un très grand nombre d'ARN non codants. À quoi peut bien servir ce type d'ARN ? C'est justement là l'objet des recherches d'Alena Shkumatava.
L'énigme des longs ARN non codants
Parmi les ARN non codants, on distingue de petits ARN, connus pour présenter un rôle régulateur important au cours du développement, et de longs ARN, de taille supérieure à 200 nucléotides et dont les fonctions demeurent encore énigmatiques.
Soutenue par la Fondation Bettencourt Schueller dans le cadre du programme ATIP-Avenir, Alena Shkumatava a pu installer son laboratoire à l'Institut Curie pour étudier précisément le rôle des longs ARN non codants intergéniques, ou lincARN.
Les longs ARN sont définis en fonction de la localisation des séquences associées sur le génome. Les longs ARN non codants intergéniques sont ainsi liés à une séquence ADN située entre deux gènes codants.
De l'importance des lincARN pour le développement embryonnaire
Pour percer les mystères des longs ARN non codants, Alena Shkumatava a choisi le poisson zèbre comme sujet d'étude et identifié plus de 550 lincARN. Elle a pu démontrer le rôle majeur de deux lincARN dans le développement embryonnaire, notamment pour la morphogenèse cérébrale et la neurogenèse. Étonnamment, les équivalents chez les mammifères de ces lincARN possèdent les mêmes fonctions, bien que leurs séquences soient très éloignées. Ses travaux pourraient transformer considérablement notre compréhension de l’expression du génome et de la régulation du développement embryonnaire.
Alena Shkumatava en quelques mots
Après des études de biologie à l’Université de Vienne, Alena Shkumatava entreprend un doctorat en génétique et microbiologie à l’European Molecular Biology Laboratory d'Heidelberg.
Son post-doctorat à l’Institut Whitehead du Massachussetts Institute of Technology aux États-Unis, l'amène à s'intéresser aux rôles des ARN non codants. Elle observe alors que les microARN – des petits ARN non codants dont un des rôles est « d’éteindre » certains gènes – agissent en coordination avec la régulation transcriptionnelle des gènes qu’ils ciblent. D’autre part, elle démontre que les lincARN jouent un rôle crucial dans le développement embryonnaire. En 2013, soutenue par la Fondation Bettencourt Schueller, elle installe son propre laboratoire à l'Institut Curie pour poursuive ses travaux sur les lincARN.
En 2018, lauréate d’une bourse du Conseil européen de la recherche, elle développe une plateforme pour identifier les interactions entre l’ARN non codant et les protéines, dont le principal enjeu est de découvrir des applications thérapeutiques, notamment contre le cancer.
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2005 Doctorat, laboratoire du Dr Carl Neumann, European Molecular Biology Laboratory, Heidelberg (Allemagne) et Université de Vienne (Autriche)
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2006 Post-doctorat dans le laboratoire des Pr. David Bartel et Pr. Hazel Sive, Whitehead Institute for Biomedical Research, MIT, Cambridge (États-Unis)
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2012 Lauréate du programme ATIP-Avenir du CNRS et de l’Inserm en partenariat avec la Fondation Bettencourt Schueller
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2013 Installation de son propre laboratoire à l'Institut Curie pour poursuive ses travaux sur les lincARN
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2018 Lauréate da la bourse du Conseil européen de la recherche
Dotation du programme ATIP-Avenir
Depuis 2005, la Fondation Bettencourt Schueller est partenaire du programme Avenir de l’Inserm. En 2009, le programme Avenir a fusionné avec le programme ATIP de l’INSB du CNRS. La Fondation soutient depuis le programme ATIP-Avenir qui favorise le retour ou l’installation en France de jeunes chercheurs de très haut niveau, porteurs d’un projet de recherche de qualité exceptionnelle, et désireux de créer leur propre équipe.
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