Installé dans l’une des nombreuses voûtes du Viaduc des Arts, en plein cœur du 12ème arrondissement de Paris, l’atelier de Jeremy Maxwell Wintrebert fait figure d’exemple. Ouvert sur l’extérieur par de grandes baies vitrées, il révèle aux passants curieux les savoir-faire ancestraux d’un mystérieux métier : souffleur de verre.
Rencontre avec Jeremy Maxwell Wintrebert, un artisan aux subtiles alliances de force et de délicatesse.
Comment vous est venu le désir d’exercer ce métier ?
Jeremy Maxwell Wintrebert : Je suis né à Paris, de parents franco-américains mais j’ai grandi en Afrique du Sud. Mon père était alors agronome et travaillait dans des plantations. Mes parents étaient de grands collectionneurs d’artisanat. Notre maison était envahie de productions locales. Et je dois reconnaître qu’ils m’ont transmis ce goût et la valeur du travail manuel. Après leur décès, j’étais alors encore très jeune, je suis parti vivre aux Etats-Unis.
En entrant dans un atelier, j’ai découvert le verre en fusion. Cette matière mouvante au bout d’une canne m’a littéralement fasciné. J’ai su immédiatement que je lui consacrerais ma vie. Pendant huit ans, je me suis concentré sur l’apprentissage de cet art en voyageant à travers le monde, d’ateliers en ateliers, pour découvrir ce métier auprès de maîtres verriers. Précision du geste, acquisition des techniques, habileté, communication avec les équipes, renouveau et création, pour moi tout était là. C’est la maîtrise parfaite qui permet de se transcender dans la création.
Pourquoi avoir ouvert un atelier à Paris ? Quelle signification pour vous ?
Les ateliers des artisans ont progressivement quitté le cœur des grandes villes. Paris en est la première illustration. Il n’y a plus d’ateliers de souffleurs de verre. Pour des raisons économiques d’abord. Mais aussi parce que ces métiers artisanaux, à l’inverse de la création artistique, ont été dévalorisés pendant des années, évoqués avec des connotations limitatives. Remettre le souffleur de verre « au coin de la rue », c’est inviter voisins et passants à observer et à se familiariser avec ma matière et notre métier.
Nous voulons intégrer la vie de quartier, que les habitants du 12ème arrondissement, et au-delà, sachent qu’un souffleur de verre travaille à côté de chez eux et imagine des objets, qu’il réalise lui-même, à la main, sans moule, à des prix accessibles. Nous voulons recréer du lien entre les individus et les objets en verre qui les entourent : un verre, une coupelle, un vase…
L’atelier, qui s’appelle « Le Four », est l’espace de création de mes pièces. « Le Four » est aussi le nom d’une marque car mon souhait est de partager nos valeurs avec le grand public et de lui faire découvrir un métier inscrit dans la modernité. Il s’agit ainsi de réconcilier l’intellectuel et le manuel, l’artiste et l’artisan d’art, trop souvent divisés.
« Le Four » est ainsi votre laboratoire de création ?
Oui. J’ai 35 ans, et c’est mon premier atelier. Il existe grâce au soutien de la Fondation Bettencourt Schueller, qui partage notre vision de la place et du rôle des métiers d’art dans notre société, de la nécessité de favoriser leur rayonnement. La Fondation nous a permis d’acquérir le matériel et les machines nécessaires pour réaliser des œuvres en verre soufflé in situ et d’installer ainsi cet atelier au cœur de Paris.
Cet atelier nous permet de transmettre notre savoir-faire en accueillant des stagiaires et des apprentis souffleurs. Nous pouvons également collaborer avec d’autres souffleurs de verre pour réaliser des œuvres spécifiques. Plus qu’un simple atelier, « Le Four » devient un espace de liberté, de partage et de transmission, dédié à la création et à l’innovation qui invite à repousser les limites de la matière et à initier avec elle un dialogue quotidien.
Après sa participation aux Journées européennes des métiers d’art, les 2 et 3 avril 2016, au cours desquelles il a accueilli 1 600 visiteurs, Jeremy Maxwell Wintrebert devrait réaliser mi-mai son premier Solo Show américain à la Galerie Almond Hartzog à San Francisco. Il exposera également à la nouvelle Galerie Carole Decombe à Los Angeles.
Site de Jeremy Maxwell Wintrebert