Le Prix Bettencourt Coups d’élan pour la recherche française 2014 récompense Chantal Abergel, directrice de recherche au CNRS, pour ses travaux sur les virus géants et leurs enzymes communs.
Une nouvelle perception des virus
La découverte des virus géants chamboule l’idée que se font les chercheurs de tous les virus. Avant 2004 et l’identification de Mimivirus, les virus étaient systématiquement considérés comme invisibles au microscope optique, dotés d’un très petit nombre de gènes et entièrement dénués du matériel nécessaire à leur propre multiplication – et ne pouvant donc pas être définis comme vivants. Mais Mimivirus, puis Megavirus chilensis, découvert en 2011, et Pandoravirus, découvert en 2013, renversent ces préceptes. Ces virus géants encodent, non pas quelques centaines, mais des milliers de gènes. La grande majorité de ces séquences d'ADN ne ressemble à rien de connu. Il s'agit d'autant de nouvelles protéines et de nouveaux mécanismes cellulaires à élucider pour les chercheurs. De plus, les virus géants sont, à l'instar des bactéries et des cellules d'organismes complexes, visibles au microscope optique. Mais leur caractéristique la plus étonnante est sans doute la possession d'aminoacyl ARNt synthétases. Ces enzymes gardiennes du code génétique sont impliquées dans la traduction de l'ARN en protéines.
Une cellule pour ancêtre commun
Chantal Abergel a démontré que ces enzymes étaient actives et a résolu la structure de la première aminoacyl tRNA synthétase virale qui reconnait un code à 2 lettres et non à 3 comme son homologue cellulaire. La présence de ces enzymes chez Mimivirus, Megavirus chilensis et Pandoravirus, bouleversele statut même des virus. En effet, elle tendrait à prouver que tous les virus ont pour ancêtre commun une cellule. La vision des virus comme minéraux inertes doit enfin être révisée.
Chantal Abergel en quelques mots
Chantal Abergel consacre plus de dix années à l’étude structurale des protéines. Son post-doctorat à Bethesda est ainsi consacré à la résolution de structure d’immunoglobulines de souris dans le but de produire des anticorps humanisés par analyse bioinformatique. En 2005, réalisant l’importance de cette découverte, elle décide de se consacrer exclusivement à la caractérisation des virus géants. Menant son équipe à les rechercher systématiquement, elle découvre Megavirus chilensis dans des eaux chiliennes et Pandoravirus dans un échantillon de permafrost vieux de 30 000 ans. Ses compétences en biologie structurale lui permettent d’y révéler la présence des enzymes aminoacyl ARNt synthétases, qui replacent l’ensemble des virus dans le règne du vivant. Elle continue à dévoiler les voies moléculaires originales utilisées par les virus géants grâce aux outils d’analyse qu’elle a développés.
Prix Bettencourt Coups d’élan pour la recherche française
Le Prix Coups d’élan pour la recherche française a été créé par la Fondation en 2000, il a récompensé 78 laboratoires français et plus de 900 chercheurs ont bénéficié de ce prix. Jusqu'en 2021, ce prix était attribué chaque année à quatre équipes de recherche, relevant de l’Inserm et de l’Institut des sciences biologiques du CNRS. La dotation du prix était de 250 000 euros par laboratoire lauréat.
Tous les lauréats du prix