Axel Innis Lorsque les protéines bloquent leur propre synthèse
Axel Innis, directeur de recherche à l'Inserm
- 2017 • Prix Bettencourt Coups d’élan pour la recherche française
Le Prix Bettencourt Coups d’élan pour la recherche française 2017 récompense Axel Innis, directeur de recherche à l'Inserm, pour ses recherches sur les dysfonctionnements de chaînes d'acides aminés dans l'organisme.
Contrer les résistances bactériennes aux antibiotiques
À Bordeaux, Axel Innis explore la structure des protéines bactériennes naissantes pour comprendre un mécanisme méconnu par lequel de courtes chaînes d'acides aminés bloquent leur propre production. La maîtrise de ce phénomène naturel permettra à terme de contrer les résistances bactériennes aux antibiotiques. La progression rapide des multi-résistances aux antibiotiques menace la structure entière de notre système de santé. L'avènement imminent d'une ère post-antibiotique verrait de banales infections redevenir meurtrières et compromettrait la sécurité des opérations chirurgicales.
Les pouvoirs des peptides d'arrêts
L'équipe d'Axel Innis travaille avec des peptides d'arrêts. Ces chaînes d'acides aminés naturelles possèdent la remarquable faculté de bloquer la course du ribosome qui est en train de les produire. Le ribosome, complexe ribonucléoprotéique de taille importante, scanne l'ARN messager (ARNm) en le tenant en sandwich et en avançant dessus pas à pas. Un tunnel permet la sortie des protéines nouvellement synthétisées à partir du code de l'ARNm. Ce tunnel est visé par un grand nombre d’antibiotiques disponibles sur le marché. Les peptides d'arrêts le bloquent également, sur un champ d'action plus étendu, offrant autant de nouvelles possibilités d'inhibition des bactéries multi-résistantes.
Le soutien de la Fondation
Grâce au soutien de la Fondation, les chercheurs vont équiper leur laboratoire au sein de l'Institut européen de chimie et biologie de Bordeaux d'une infrastructure informatique qui leur permettra de déployer de puissantes approches de calcul et de stockage de données aussi bien pour l’analyse de données structurales à haute résolution obtenues par cryo-microscopie électronique que pour l’analyse comparative de séquences génomiques. Ils étudieront ainsi en profondeur l’auto-inhibition de la synthèse protéique, avec pour horizon le développement de peptides antimicrobiens qui cibleront le ribosome bactérien.
Axel Innis en quelques mots
Axel Innis étudie les systèmes vivants en interrogeant l'architecture de leurs composantes moléculaires (protéines et acides nucléiques). Doctorant à Cambridge, il parvient à définir en détails la structure d’un domaine de la follistatine, un inhibiteur d'un facteur de croissance. En parallèle, il réalise une étude in silico de l'évolution des facteurs de croissance et de leurs récepteurs.
Après s'être encore aguerri en bio-informatique, compétence essentielle en biochimie structurale, lors d'un séjour de deux ans à Bangalore, il rejoint Yale, où il effectue de remarquables découvertes. Parmi elles, la première résolution précise en deçà du nanomètre de la structure d’un complexe formé par le ribosome bloqué sur une chaîne polypeptidique naissante. La cristallisation minutieuse et l’analyse par cryo-microscopie électronique de complexes ribosomaux associés au blocage de la traduction de l'ARNm sont toujours au cœur des recherches développées par sa jeune équipe de Bordeaux. Elle développe également de nouvelles méthodes à haut débit pour l’identification à grande échelle de peptides bloqueurs de ribosomes déployés pour réguler l'expression génétique chez les bactéries et les eucaryotes. La compréhension de ce mécanisme méconnu pourrait ouvrir de nouvelles portes dans la lutte contre les résistances bactériennes.
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Prix Bettencourt Coups d’élan pour la recherche française
Le Prix Coups d’élan pour la recherche française a été créé par la Fondation en 2000, il a récompensé 78 laboratoires français et plus de 900 chercheurs ont bénéficié de ce prix. Jusqu'en 2021, ce prix était attribué chaque année à quatre équipes de recherche, relevant de l’Inserm et de l’Institut des sciences biologiques du CNRS. La dotation du prix était de 250 000 euros par laboratoire lauréat.
Tous les lauréats du prix