Ashley Nord Résister aux antibiotiques : les bactéries se font des films !
Ashley Nord, Chargée de recherche CNRS, Chercheuse dans l’équipe « Physique et mécanique des systèmes biologiques » au Centre de Biologie Structurale, Montpellier
- 2023 • Impulscience
La grande majorité des bactéries sur Terre se trouvent agrégées les unes aux autres dans des communautés appelées biofilms. Ces biofilms jouent un rôle central dans plusieurs défis mondiaux, de la résistance aux antibiotiques à la sécurité sanitaire de l'eau et des aliments. En étudiant la formation des biofilms à travers le prisme de la physique, Ashley Nord vise à bouleverser radicalement tout ce que l'on connaissait jusqu'à présent à leur sujet.
Les biofilms offrent une belle vie aux bactéries
La plupart de nos connaissances sur les bactéries proviennent de l'étude de cellules indépendantes mobiles. Pourtant, la plupart des bactéries sur Terre se trouvent dans des communautés agrégées non mobiles, appelées biofilms, et qui ressemblent peu aux bactéries mobiles. La vie sous forme de biofilms offre aux bactéries une protection contre l’environnement hostile, comme la réponse immunitaire de l’hôte, des forces mécaniques et des agents antimicrobiens. De façon surprenante, les cellules dans un biofilm peuvent être jusqu’à 1000 fois plus résistantes aux antibiotiques que les cellules individuelles. Les biofilms représentent une charge médicale importante : 80 % des infections sont causées par des biofilms et ces infections sont très difficiles à éradiquer.
Apporter un regard nouveau sur la formation des biofilms
Les connaissances actuelles suggèrent que les biofilms se forment lorsqu'une cellule mobile détecte une surface et y adhère, ce qui déclenche un changement de "mode de vie" de la bactérie. Mais cette étape cruciale, appelée nucléation, reste mal comprise. Pourquoi et quand est ce que la première cellule s’attache à la surface ? Était-elle préparée à le faire ou cela est-il juste lié au hasard ? Quels signaux (mécaniques ou chimiques) sont à l’origine de la détection de la surface et des changements induits ? Ashley Nord propose d’aborder ce phénomène du point de vue de la physique, en utilisant des approches uniques capables de détecter la réponse des cellules individuelles avec une très grande résolution.
L’union fait la force
Le projet soutenu par Impulscience® a pour ambition de découvrir dans quel ordre, à quel degré et dans quelles circonstances les signaux cellulaires (pH intracellulaire, potentiel de membrane, activité métabolique) déclenchent l'attachement d’une bactérie mobile à une surface. Cependant, de nombreux biofilms, y compris ceux qui causent des infections chroniques, se forment en l'absence de surface, ce qui suggère qu’ils pourraient se nucléer par différents biais. Ashley Nord se demande donc dans quelle mesure la nucléation pourrait finalement résulter d'un comportement émergent d'un groupe de bactéries, plutôt que de la réaction d'un individu. Ce concept est particulièrement pertinent dans la transmission de bactéries dans les aérosols, quand nous toussons, éternuons ou même lorsque nous parlons par exemple. Si la formation d'aérosols déclenche la nucléation du biofilm et protège les bactéries qui s'y trouvent, les biofilms joueraient-ils un rôle important dans la transmission de maladies ? Ainsi, en plus d’ajouter une touche de physique aux connaissances sur la formation des biofilms, ce projet révélera le rôle des biofilms sur la survie des bactéries dans les aérosols.
Ashley Nord en quelques mots
Ashley Nord a effectué ses études de physique aux États-Unis. Durant son doctorat à l'Université d'Oxford au Royaume-Uni, Ashley Nord a généré des nouveaux outils pour étudier le mouvement des moteurs moléculaires tels que le flagelle, qui permet à certaines bactéries de se déplacer. Lors de son séjour postdoctoral au Centre de Biologie Structurale de Montpellier, où elle s'installe en 2014, elle développe des méthodes d'analyse des moteurs moléculaires et s'est intéressée aux mécanismes d'adaptation des bactéries à leur environnement. En 2018, elle crée sa propre équipe au sein du même centre de recherche.
Depuis, elle a ouvert de nouveaux axes de recherche, dont une étude qui vise à changer la vision des principes fondamentaux de la formation des biofilms bactériens, soutenue par la Fondation Bettencourt Schueller.
Programme Impulscience
Impulscience attribue chaque année 7 nouveaux soutiens à des chercheuses et chercheurs en sciences de la vie. Concentré sur le milieu de carrière, ce programme a pour objectif de soutenir cette étape cruciale pour le développement des projets de recherche.
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