Chef de mission des Jeux paralympiques 2024, Michaël Jérémiasz est aussi le cofondateur de l’association Comme les Autres qui aide les personnes, devenues handicapées après un accident, à se reconstruire grâce à un accompagnement global reposant largement sur les bienfaits des activités physiques, y compris du sport extrême. Explications.
C’est une histoire faite de drame, de dépassement de soi, et de renaissance. Le 7 février 2000, sportif accompli, Michaël Jérémiasz devient paraplégique à 18 ans après un accident de saut à ski sur une piste d’Avoriaz. Après neuf mois de rééducation, il travaille à surmonter sa dépression en reprenant le tennis qu’il pratiquait depuis l’âge de 6 ans, cette fois en fauteuil roulant.
« J’ai été champion de France un an plus tard. Je me suis ensuite concentré sur les Jeux paralympiques d’Athènes en 2004 où j’ai décroché deux médailles mais c’est à Pékin, en 2008, que j’ai remporté ma plus belle victoire. Une médaille d’or en double. » Pour Michaël, le sport a été l’élément clé d’une renaissance physique et psychologique.
C’est pour partager cette expérience que Michaël, son épouse Carolyn et son frère Jonathan ont décidé en 2011 de créer l’association Comme les Autres. « Le parcours de reconstruction de Michaël est formidable mais il n'est pas la norme », explique Jonathan.
Créée en 2011, l’association se déploie aujourd’hui dans huit régions de France grâce à une équipe de 35 personnes, sans compter une centaine de bénévoles. Sa mission ? Aider les personnes handicapées à rebondir et retrouver une vie sociale et professionnelle épanouie.
Des rencontres individuelles pour évaluer les besoins, et les progrès.
Pour cela, l’association construit son accompagnement autour de plusieurs axes, à commencer par un soutien sur mesure conçu par un travailleur social et le bénéficiaire lui-même. Le tout avec une conviction : chaque personne accompagnée doit être l’acteur de son projet. Après une première rencontre qui permet de faire le bilan des désirs et des besoins, le duo définit un programme qui se poursuit sur une année, le temps de trouver des solutions concrètes aux questions clé – mobilité, accès à un logement adapté, insertion professionnelle... Dans le même temps, le soutien porte sur le bien-être ; ou comment prendre soin de sa santé physique et mentale, redécouvrir des centres d’intérêt et des passions. En marge de cette aide et des points d’étape, les accompagnants incitent chaque bénéficiaire à participer aux moments collectifs proposés par l’association, qui place le lien social et le partage d’expérience au cœur de son fonctionnement.
Des programmes spécifiques autour de la mobilité et de l’insertion professionnelle.
Les activités sont toutes encadrées par des professionnels, des bénévoles valides mais aussi des personnes handicapées, ce qui favorise le partage d’expériences et contribue à ouvrir le champ des possibles. Des ateliers collectifs reprennent à leur tour les sujets les plus cruciaux. Le thème de la mobilité fait l’objet d’une série d’activités avec des jeux de piste en ville, l’expérimentation de matériels de mobilité adaptés pour faciliter les déplacements, la réparation des roues des fauteuils ou encore l’utilisation des transports en commun. Des ateliers liés à l’insertion professionnelle sont également organisés – coaching, mise en lien avec les services RH d’entreprises partenaires – avec la certitude que le sentiment d’utilité sociale et l’autonomie financière sont des atouts majeurs pour reprendre pied. Enfin, des groupes de femmes et d’hommes en situation de handicap bénéficient de projets spécifiques pour aborder les questions de rapport au corps, de confiance en soi et de sexualité. Des lieux de parole essentiels lorsqu’on sait que les stéréotypes de genre de nos sociétés s’appliquent parfois avec une grande violence sur les femmes et les hommes handicapés, avec des conséquences lourdes sur leur potentiel d’épanouissement.
De la danse ou du théâtre pour exprimer sensations et émotions.
Parallèlement à ces programmes, Comme les Autres propose de nombreuses activités artistiques : théâtre, chant, musique, danse… À l’image de ce récent stage autour du langage corporel qui, en Île-de-France, a réuni 12 participants valides et en situation de handicap, sous la houlette de Gladys, chorégraphe et danseuse en fauteuil. Durant deux jours, les stagiaires ont bénéficié de cours de danse, façon pour eux d’exprimer à nouveau des émotions à travers leur corps, réapprivoiser l’espace et travailler la coordination des mouvements. Ils ont ensuite rejoint Simon, professeur de chant, qui les a fait travailler sur la musique de « Mais je t’aime » de Camille Lellouche et Grand Corps Malade ; avant de préparer la représentation qui réunissait chant, danse et théâtre. Une révélation pour beaucoup, à l’image de l’une des participantes :
Des séjours-aventure sportifs pour sortir de sa zone de confort.
Autre axe déterminant, la pratique d’un sport avec des ateliers et des séjours-aventure sportifs.
Le dernier projet Montagne proposé par l’antenne Auvergne-Rhône-Alpes de l’association dans la vallée de Chamonix a réuni 11 participants – deux encadrants, cinq personnes valides et quatre personnes en fauteuil tout terrain. Durant trois jours, tous ont retrouvé le plaisir de l’altitude, la beauté de la nature, le sentiment de la liberté en arpentant les sentiers jusqu’au sommet de l’aiguille du midi à 3 777 mètres d’altitude. Les stages de handi-ski sont également parmi les plus appréciés, comme en témoigne Max, 21 ans, paraplégique depuis un accident de vélo.
Axe fort de l’association, le sport extrême favorise la remobilisation des personnes en situation de handicap et leur offre une découverte majeure. Le corps, désormais lourd et contraignant, peut redevenir léger et vivant. « Les sensations fortes du sport extrême ont réveillé tout ce qui dormait en moi et j’en ai apprécié chaque seconde. Il m’a aidé à accepter mon nouveau corps, m’a redonné confiance, a élargi ma zone de confort » affirme Fabrice, bénéficiaire paraplégique.
Soucieuse d’améliorer ses pratiques, l’association a travaillé avec le cabinet de mesure d’impact Improve autour de différentes thématiques, mettant en place des outils d’intelligence collective pour structurer les échanges, libérer la parole et la créativité. Elle mène également des enquêtes régulières auprès des personnes accompagnées. Selon la plus récente, 80% des bénéficiaires déclarent que l’accompagnement les a aidés à prendre confiance en eux, 90% qu’il a changé leur regard sur leur handicap, 75% qu’il leur a permis de surmonter leur appréhension liée au déplacement. Désormais soutenue par la Fondation, l’association a accompagné 250 personnes handicapées en 2023 et entend encore amplifier ses actions sur tout le territoire.