La tolérance, ça s'apprend Comment faire face à la montée en puissance du communautarisme et des discriminations ?
De nombreuses associations agissent, très concrètement, en faveur d’une société apaisée, respectueuse des croyances et de l’identité de chacun. La preuve avec ces deux initiatives soutenues par la Fondation Bettencourt Schueller.
Coexister France,
partager les différences plutôt que les confronter
Pour Coexister, tout commence en 2009, lors d’une grande manifestation organisée à Paris par des responsables religieux (catholiques, juifs et musulmans) afin de lutter ensemble contre l’importation, en France, de la haine liée au conflit en Israël et Palestine. Emu par l’esprit pacifique et solidaire qui règne dans les rangs du cortège, un groupe de lycéens décide d’aller plus loin, choisissant de réunir des jeunes de différentes convictions, désireux de s’engager pour le respect des identités religieuses et de l’intérêt général.
Convaincus qu’il vaut mieux « faire couler le sang pour la paix plutôt que pour la guerre », ils lancent la campagne « Ensemble à Sang% », sous la forme d’un don du sang. Dans la foulée, le groupe crée l’association Coexister France, le 11 septembre 2009, avec un motto : partager les différences plutôt que les confronter. Dans cet esprit, Coexister entend rapprocher des personnes de convictions religieuses, philosophiques et spirituelles différentes, persuadé que les diversités sont nécessaires, positives et créatrices de liens si on accepte de dépasser la tolérance pour instaurer le respect.
Association aconfessionnelle et apartisane, Coexister est aujourd’hui présente dans 20 villes en France, le tout rassemblant chaque année 2 000 « coexistants », des jeunes de 15 à 35 ans qui organisent leurs actions autour de trois axes forts. Ils promeuvent le dialogue et l’esprit critique à travers 1 350 événements environ chaque année – rencontres, conférences, présence active dans des festivals comme Solidays ou Rock en Seine et création de « Kawaa » - des cafés débats autour des notions de vivre ensemble et de laïcité. Ils développent plus de 400 opérations de solidarité, favorisant l’engagement civique des jeunes autour de collectes de vêtements ou de l’accompagnement de personnes sans-abris. Invités par les enseignants et associations d’éducation populaire, ils organisent des ateliers de sensibilisation et d’éducation au vivre ensemble auprès de collégiens et lycéens, l’occasion là encore de rappeler les diversités des convictions - notamment religieuses -, de déconstruire les préjugés et de mieux comprendre le principe de laïcité. Depuis sa création, l’association a ainsi permis à 140 000 jeunes de vivre une expérience favorisant la mixité et la cohésion sociale.
Coexister France | Éducation - Jeunesse - LaïcitéMémorial de la Shoah, enseigner et transmettre contre l’intolérance
Inauguré en 2005, le Mémorial a pour mission de transmettre l’histoire de la Shoah et des génocides du XXème siècle mais pas seulement. L’institution entend également jouer un rôle majeur face à la montée du racisme et de l’antisémitisme en France − se servant de l’histoire comme outil d’éducation à la tolérance. Dans ce contexte, le Mémorial a développé de nombreuses activités, destinées à répondre aux besoins des enseignants et les soutenir dans leur démarche pédagogique. Réalisés par les équipes du Mémorial, 600 ateliers hors les murs sont ainsi proposés chaque année dans une cinquantaine d’écoles. Les contenus embrassent toutes les disciplines (l’histoire, la philosophie, l’enseignement civique, les arts, la littérature) et s’articulent autour de grands thèmes, exploités de façon à susciter la réflexion et le débat.
On y retrouve la volonté d’éduquer contre les préjugés et d’apprendre à les déconstruire, avec des ateliers comme « Déconstruire les préjugés racistes », « La philo pour combattre les préjugés » ou « Les préjugés : au quotidien et dans l’histoire ». « La fabrique du complot » et « Information, désinformation » visent à développer l’esprit critique des élèves face à tous les types de médias. Autre thème largement développé, la résistance permet d’évoquer les femmes et les hommes qui ont joué un rôle essentiel dans le combat contre les nazis, invitant aussi à une réflexion plus globale sur l’art et la culture. Lors de l’atelier « Création artistique en temps de guerre, une forme de résistance », les élèves sont ainsi invités à réaliser eux-mêmes une œuvre sur le thème de leur choix. Les témoignages constituent également l’une des pierres angulaires de ces temps pédagogiques − autour de la vie de Simone Veil ou de la présentation des œuvres de Primo Levi, Romain Gary, Albert Cohen…
Parallèlement à sa présence dans les établissements scolaires, le Mémorial organise des expositions itinérantes ancrées dans l’histoire (Les Justes de France, Le Ghetto de Varsovie...) ou les arts (Résister par l’art et la littérature, Shoah et bande dessinée) ou encore les biographies (Hélène Berr, une vie confisquée). Enfin, en 2022, une dizaine de voyages à Auschwitz ont été organisés, pour environ 2000 personnes, tous publics confondus, dont 6 voyages d’élèves.