Chaque année, près de trois millions de personnes perdent un proche. Pour les soutenir dans le difficile travail du deuil, l’association Empreintes, créée en 1995, offre un accompagnement sur mesure qui permet de se sentir écouté, compris, aidé. Une démarche essentielle, largement soutenue par la Fondation.

On imagine la douleur vécue au moment de la disparition d’un proche. On sait moins en revanche le long et difficile parcours du deuil et ses conséquences sur le plan physique et psychologique : stress, fatigue, troubles du sommeil, repli sur soi, anxiété pouvant aller jusqu’à la dépression… Les symptômes s’atténuent généralement au fil des mois mais, selon plusieurs études, environ 20% des personnes touchées ne parviennent pas à faire face. Leur deuil se complique, se prolonge, allant jusqu’à développer une maladie chronique en lien avec cette épreuve. Face à cette détresse, un groupe de travail piloté par Michel Hanus, psychiatre et Marie-Frédérique Bacqué, docteure en psychopathologie, a décidé dès 1995 de créer l’association Vivre son deuil, devenue Empreintes. L’objectif ?

« Offrir un accompagnement aux personnes endeuillées pour leur permettre de se sentir écoutées, comprises, aidées », explique Marie Tournigand, déléguée générale de l’association. « La douleur liée au deuil est universelle, mais trop peu prise en compte dans nos sociétés. Voilà pourquoi nous avons structuré nos actions autour de trois pôles : une aide psychologique aux personnes ; la formation de professionnels et de bénévoles qui agissent dans les établissements scolaires, hospitaliers, médicosociaux ou dans les entreprises ; enfin des actions de plaidoyer pour mobiliser la société tout entière. Nos locaux sont à Paris et l’association réunit désormais 10 salariés, 15 bénévoles et 11 psychologues vacataires ».

Présentation de l'accompagnement de deuil de l'association Empreintes

Un soutien sur mesure par des entretiens individuels 

Les personnes qui le souhaitent entrent en contact avec Empreintes par une ligne d’écoute téléphonique nationale gratuite qui les met en lien avec un accompagnant de l’association. 4 000 appels sont enregistrés chaque année, les premiers échanges permettant d’établir la relation et d’évaluer la situation.

« Cet accompagnement est universel mais chaque deuil est unique. On ne réagit pas de la même façon face à un suicide, la perte d’un enfant ou la disparition attendue d’une personne âgée » poursuit Marie Tournigand.

Pour apporter un soutien et faciliter le récit, trois questions sont posées : qui avez-vous perdu, dans quelles circonstances et à quel moment de votre histoire personnelle ? Les réponses permettent d’identifier le besoin et de décider ensemble de la nature de l’aide. Il peut s’agir d’entretiens individuels par téléphone, en visio ou en présentiel, ponctuels ou programmés sur 4-5 rendez-vous.

« Durant ces entretiens, nous réalisons à quel point ces personnes ont besoin d’être écoutées. Beaucoup sont entourées mais toutes disent combien il est difficile de parler de sa détresse à ses proches car on redoute de raviver leur propre souffrance » précise Marie Tournigand.

Et pourtant, parler est LA solution, comme le rappelle Laetitia qui a perdu brutalement son fils :

« J’ai vécu ce drame comme une déflagration. Le fait d’avoir été pris en charge d’une façon si délicate, si intelligente nous a aidé à trouver des moments d’apaisement, même s’ils restaient fragiles et très courts. Ce soutien a été d’une grande aide pour mon mari et moi ».

L'équipe de l'association Empreintes. © DR
L'équipe de l'association Empreintes. © DR

Et des groupes de parole pour partager et rompre l’isolement 

Après quelques entretiens, Laetitia a participé avec son mari à un autre dispositif proposé par Empreintes, un groupe d’entraide réunissant des personnes qui font face à une perte similaire. Il existe notamment des groupes pour les jeunes enfants ou les adolescents, pour les parents qui vivent un deuil dans leur famille, pour les jeunes adultes ou encore les personnes en deuil après un suicide. Animées par un binôme dont un psychologue, ces rencontres apportent une autre forme de soutien, explique Laetitia :

« On ne peut pas comprendre cette souffrance si on ne l’a pas vécue. Avec des gens qui partagent la même expérience, les échanges permettent de rompre l’isolement, de se sentir moins seuls face à des émotions, des douleurs qui nous semblent insurmontables. »

Un sentiment partagé par Anelys qui a tour à tour perdu son père d’un cancer puis son frère par suicide. 

« J’ai mis beaucoup de temps à pouvoir parler : 8 ans pour mon frère et 13 pour mon père. Participer à un groupe d’entraide m’a fait beaucoup de bien. J’ai trouvé un espace pour parler du sujet dont il fallait que je parle, mais aussi pour écouter. Les mots des autres m’ont aidée à trouver les miens. Cet effet cathartique de la parole m’a apaisée, ces échanges m’ont aussi donné de nouvelles clés d’analyse qui m’ont aidée à aller plus loin. »

La formation de professionnels dans le champ de la santé, des RH, de l’éducation et de bénévoles…

Associés à des ateliers d’écriture et des entretiens familiaux proposés aussi par l’association, Empreintes a accompagné 800 personnes en 2023. Un chiffre honorable mais qui reste encore très faible au regard des demandes, et des besoins. Voilà pourquoi l’association a mis en place depuis 1998, un ambitieux programme de formations destinées à des travailleurs sociaux, des soignants, des psychologues scolaires...

« Nous proposons notamment la formation 'Référent deuil' destinée à former un salarié par organisme. Durant trois jours, celui-ci acquiert des connaissances sur l’accompagnement du deuil, la conduite d’entretien et participe des mises en situation réelle. L’association a également créé le programme 'Présence entreprises' en partenariat avec les groupes de protection sociale Klesia et AG2R La Mondiale. L’objectif est, là encore, de former à cet accompagnement via différents modules destinés aux services RH ou à des managers de proximité », poursuit Marie Tournigand.

Lancé en 2023, ce programme a déjà permis la sensibilisation de 250 personnes dans les entreprises.

Des actions de plaidoyer pour mobiliser la société toute entière

En dépit de la mobilisation des associations, la question du deuil reste largement éclipsée en France. Voilà pourquoi Empreintes mène une ambitieuse action de plaidoyer afin d’améliorer le droit et la protection des personnes touchées. Elle participe à des travaux de recherche afin d’émettre des propositions concrètes pour mettre en place des politiques publiques de prévention et d’aide : prise en charge des collaborateurs en deuil lors de leur retour au travail, formation de professionnels et de bénévoles. L’association a contribué à la production d’études réalisés par le CREDOC en 2019 et 2021, qui servent d’appui au Gouvernement pour prendre la mesure de ces enjeux de santé publique. Elle a également organisé les premières Assises du deuil pour porter ces propositions aux décideurs, chefs d’entreprises, parlementaires, acteurs de la société civile et associations… En 2025, l’association poursuivra sa mobilisation dans le cadre du projet de loi autour de la fin de vie, afin que l’accompagnement des proches et des aidants, y compris après le décès, fasse partie de la législation. 

Désormais soutenue par la Fondation, Empreintes a bénéficié de l’accompagnement d’un cabinet de conseil qui a permis la formulation de sa stratégie à 3 et 5 ans, alors que l’association s’apprête à célébrer 30 ans d’engagement. Une première évaluation de l’impact des actions a été menée avant d’envisager la suite.

« Les résultats de cette étude, très positifs, nous ont éclairés sur les bénéfices de notre accompagnement – le sentiment d’apaisement ressenti, une meilleure connaissance des processus du deuil, une plus grande capacité à rompre l’isolement et entrer à nouveau dans la relation. » poursuit Marie Tournigand. « Le conseil en stratégie nous a également confortés dans la pertinence de nos trois champs d’action, que nous allons continuer de développer en œuvrant aussi avec d’autres structures, notamment le collectif que nous avons créé et qui réunit 11 fédérations et associations autour du sujet. Bref, aller de l’avant, pour permettre aux personnes endeuillées de le faire aussi ».

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Empreintes

Le chemin du deuil est souvent long et difficile. Chaque année en France, trois millions de personnes sont confrontées à la perte d’un proche. Parmi elles, seules 3% bénéficient d’un accompagnement associatif, pourtant jugé utile...