L’Ecole de l’Inserm Liliane Bettencourt (EdlLB) a célébré ses 20 ans en décembre dernier lors des « Journées de la science » organisées en partenariat avec l’université de Strasbourg. L’occasion de revenir sur cette institution pionnière qui propose aux meilleurs étudiants en médecine ou en pharmacie une formation à la recherche dès la fin de leur deuxième année. L’objectif ? Leur permettre d’obtenir un doctorat dans les deux disciplines et développer ainsi une communauté de médecins-chercheurs capables de mêler intimement pratique et recherche médicales. Pour une meilleure prise en charge des patients, et l’amélioration de la santé de tous.

Pas d’innovation médicale sans une véritable synergie entre science et médecine... Le propos semble une évidence, et pourtant. Alors que les Américains créent dès 1964 une double formation de médecin-chercheur menant au prestigieux diplôme MD/PhD, la France n’a longtemps disposé d’aucun cursus de ce type, expliquent Boris Barbour et Christophe Tzourio, co-directeurs de l’Ecole de l’Inserm Liliane Bettencourt.

« Il y a 20 ou 30 ans, la recherche médicale était essentiellement dirigée par des médecins peu formés à la rigueur scientifique et aux métiers de la recherche. Or pour favoriser les échanges entre chercheurs et médecins, il est essentiel que ces derniers aient une approche scientifique des problèmes. Et on le sait, les découvertes majeures en médecine sont, le plus souvent, nées de l’interaction entre les deux disciplines. »

Face à ce constat, l’Inserm décide, en 2003, de créer sa propre école.

« Notre mission ? Former des médecins à devenir de véritables professionnels de la recherche, capables d’apporter leur expérience au sein des grands instituts de recherche, dans les universités et les hôpitaux. L’objectif final étant que ces médecins-chercheurs participent au développement de la recherche biomédicale française au plus haut niveau » assurent Boris Barbour et Christophe Tzourio.

Très impliquée dans le soutien aux sciences de la vie, la Fondation s’engage dès 2007 dans l’aventure. L’école devient l’Ecole de l’Inserm Liliane Bettencourt et la Fondation développe alors un important dispositif d’accompagnement pour les étudiants qui s’engagent dans cette filière aussi exigeante que sélective.

Présentation de l'École de l'Inserm Liliane Bettencourt (EDILB)

Un cursus sur mesure pour un double doctorat en médecine et sciences. 

En fin de première année de médecine, les meilleurs étudiants participent à une sélection qui leur donne accès à la fameuse « Ecole de février », deux semaines de formation et d’immersion avec 24 heures de conférences et quelque 66 heures de cours théoriques de sciences. A l’issue de ces deux semaines très intenses, les étudiants poursuivent un travail personnel tout aussi exigeant pour se préparer au concours d’admission de juin qui leur permettra, ou non, d’intégrer l’Ecole. Une fois reçus, ils se consacrent à l’obtention d’un Master 2 en sciences décroché en 2 ans, en parallèle de leurs études de médecine. Ils poursuivront ensuite ce cursus avec l’obtention d’une thèse en sciences soit durant leur internat ou alors avant l’internat, via le système de « thèse précoce ». 

Dans tous les cas, les étudiants gèrent eux-mêmes leur cursus au sein de leur propre université mais bénéficient d’un accompagnement personnalisé de l’EdILB tout au long de cette formation. Ils participent également à des « Journées scientifiques » régulièrement organisées par l’Inserm. Les différentes promotions se retrouvant alors pour échanger et participer à des débats et des conférences avec les plus grands chercheurs internationaux.

Des aides financières personnalisées tout au long de la formation. 

Pour aider les étudiants à suivre cette formation à la fois longue et difficile (14 années en tout), la Fondation a développé un important dispositif d’aides financières. Les étudiants qui connaissent des difficultés bénéficient de bourses sur critères sociaux. Des bourses de recherche sont accordées aux étudiants pour participer à des conférences, des écoles d’été, des stages en laboratoire en France ou à l’étranger. Les étudiants qui choisissent la voie de la thèse précoce bénéficient également d’un soutien spécifique, baptisé « contrat de jonction »

« Ces étudiants arrêtent la médecine durant trois ans pour obtenir leur thèse de sciences. Ce contrat leur permet ensuite de reprendre leurs études de médecine pour les 4ème, 5ème et 6ème années avec un salaire identique à celui qu’ils recevaient durant leur thèse de sciences. Cette aide a pour objectif de favoriser le retour en médecine de ces étudiants, passage nécessaire mais très exigeant pour de jeunes adultes ».

Et un soutien spécifique pour les chefs de clinique assistants, avec un temps de recherche protégé. 

Une fois leurs études terminées, ces jeunes médecins-chercheurs deviennent chefs de clinique assistants engagés à la fois à l’hôpital, dans leur laboratoire et à l’université pour une mission d’enseignement. En dressant un premier bilan de l’EdlLB en 2017, la Fondation a observé que beaucoup évoquaient des difficultés à mener de front les trois rôles : praticien, enseignant et chercheur. Elle a alors décidé de financer un programme baptisé CCA-Inserm-Bettencourt qui permet aux titulaires de mener leur activité scientifique grâce à un temps de recherche protégé, avec une pratique clinique réduite de 50 %. Pour éviter que les moments de recherche ne pèsent sur l’organisation de l’hôpital, la Fondation participe également au financement d’un autre médecin à mi-temps.

« Chaque année, quatre médecins intègrent le CCA/recherche pour une durée maximale de quatre ans, explique Armand de Boissière. Ce programme leur donne de façon très concrète la possibilité de mener un travail clinique au plus proche des malades et une activité de recherche de haut niveau, contribuant aux avancées de leur discipline ».

L’émergence d’une médecine pionnière, du laboratoire au lit du patient.

« Grâce à ce double cursus, les étudiants sont amenés à s’interroger sur la manière dont ils apprennent la médecine, expliquent Boris Barbour et Christophe Tzourio. Alors que l’on reproche souvent à cette formation d’imposer des vérités de façon scolaire, la recherche questionne la manière dont le savoir est construit. Elle développe l’esprit critique des futurs médecins ».

Dans leur pratique clinique, ceux-ci se nourrissent de leur approche scientifique pour poser un diagnostic, émettre des hypothèses et aller plus loin, comme en témoigne Vincent Planche, maître de conférences et praticien hospitalier à Bordeaux* : « grâce à l’EdiLB, j’ai suivi une formation de médecin spécialisé en neurologie et passé une thèse en sciences à l’université de Bordeaux. Désormais maitre de conférences à l’Université et praticien hospitalier au CHU, je ne peux imaginer mon engagement médical sans la recherche. Cette double compétence offre une vision globale, holistique, du malade. L’observation des patients constitue un point de départ essentiel pour penser la recherche. A l’inverse, la pratique des sciences incite le médecin à se tourner vers des solutions thérapeutiques innovantes et audacieuses. Ce statut n’est pas assez soutenu en France et pourtant, les pères de la médecine contemporaine sont tous des chercheurs… ». 

Un cursus qui permet une autre façon de penser la médecine, plus moderne et plus humaine, assure le médecin psychiatre Boris Chaumette** :

« Grâce à ma formation de chercheur, je me questionne en permanence sur la meilleure prise en charge pour les patients. Ne pas avoir de certitudes, connaitre les limites de nos connaissances m’aide à être un meilleur médecin. Je suis d’autant plus attentif à la situation du patient, à ses propos ainsi qu’à ceux de son entourage que je sais la part d’inconnu derrière un diagnostic ou une prescription ».

*Vincent Planche, Responsable du Centre mémoire de ressources et de recherche au CHU de Bordeaux. 

**Boris Chaumette, titulaire du programme CCA-Inserm-Bettencourt à l’Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris (chef de clinique des universités-assistant des hôpitaux - CCA). chercheur au GHU Paris, à Sainte-Anne.

 

Ecole de l'Inserm Liliane Bettencourt | Fondation Bettencourt Schueller

L'EdILB en chiffres

 

L’EdILB a fêté ses 20 ans les 9, 10, 11 décembre à Strasbourg. 

Pour célébrer cet anniversaire, l’Ecole de l’Inserm Liliane Bettencourt a réuni à Strasbourg près de 200 étudiants et anciens étudiants qui ont pu échanger sur leurs différents travaux de recherche et le rôle-clé de ce double cursus dans leur parcours professionnel. Participaient également à cet événement, des responsables des enseignements, des institutions partenaires et des représentants d’autres doubles cursus français - notamment celui de l’Université de Strasbourg qui, lui, fêtait ses 10 ans d’existence. 

Le réseau regroupe aujourd’hui 7 programmes :

  • École de l’Inserm Liliane Bettencourt 
  • Cursus médecines-sciences de l’Université de Paris 
  • Cursus médecine-sciences de l’Université de Strasbourg 
  • Programme médecine-sciences ENS/PSL/Pasteur/Curie 
  • Programme médecine-sciences ENS Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1 
  • École santé-sciences de l’Université de Bordeaux 
  • Double cursus Santé-Sciences de Montpellier-Nîmes 

La Fondation et l’EdlLB 

  • 400 étudiants en médecine ou en pharmacie formés par l’EdlLB depuis 2003 
  • 110 doubles diplômés en médecine (ou en pharmacie) et en sciences
  • Environ 250 doubles diplômés à l’horizon 2034
  • Un accompagnement sur 27 ans