L’immunité innée fait partie des premiers remparts de notre corps. Elle nous protège des virus et des bactéries qui peuplent notre environnement. Elle s’avère aussi impliquée dans de nombreuses pathologies, notamment inflammatoires. Les travaux d’Andrea Ablasser visent à comprendre comment ces mécanismes de défense sont orchestrés à l’échelle moléculaire, dans le but de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques.

L’immunité innée, un enjeu crucial de communication 

La détection des attaques des virus et des bactéries est essentielle. Pour cela, notre corps possède deux lignes de défense principales : l’immunité « innée », qui réagit rapidement lorsqu’un pathogène est repéré et produit une réponse immunitaire non spécifique, et l’immunité « acquise » ou « adaptative », dont la réponse est plus lente, mais très spécifique. Les cellules qui constituent le système immunitaire inné utilisent différents mécanismes de signalisation pour reconnaître les agents pathogènes et communiquer entre elles pour en venir à bout. Ces cascades de signaux sont très complexes et représentent un véritable défi pour la recherche biomédicale. En effet, des défauts dans le contrôle de l’immunité innée peuvent conduire à différentes maladies, du fait d’une inflammation chronique qui s’installe dans l’organisme.

Andrea Ablasser | Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant 2024

La découverte d’une voie essentielle 

En 2013, des chercheurs ont découvert une nouvelle voie de signalisation de l’immunité innée, cGAS-STING, qui a bouleversé la compréhension de ce système. Peu de temps après, Andrea Ablasser a mis en évidence un mécanisme clé de cette voie, permettant d’activer et de propager l’immunité entre les cellules. Avec son groupe, elle a aussi montré le rôle de cette voie dans la réponse immunitaire face aux tumeurs, suggérant une piste thérapeutique inédite pour le traitement du cancer. Enfin, de plus en plus de travaux, dont ceux d’Andrea Ablasser, soulignent l’impact de cGAS/STING dans de nombreuses autres pathologies inflammatoires courantes et dans le vieillissement. Malgré cette perspective prometteuse de pistes thérapeutiques, les chercheurs sont confrontés à la difficulté d’identifier des molécules capables d’agir sur la voie cGAS-STING. Pour répondre à ce défi, les études de l’équipe d’Andrea Ablasser visent à comprendre comment le jeu de ces différents acteurs permet de produire la « bonne réponse » immunitaire, c’est-à-dire une réponse adaptée aux besoins de la cellule et de l’organisme.

 

De nouvelles stratégies thérapeutiques en perspective 

Afin de déchiffrer le code qui régule ces acteurs de l’immunité innée, Andrea Ablasser et son équipe ont établi une méthode d’analyse applicable à n’importe quelle protéine impliquée dans la réponse immunitaire. Grâce à leur expertise en biologie structurale, algorithmes de prédiction et biochimie, les chercheurs entendent créer un atlas des protéines régulatrices de l’immunité innée, comprenant leurs différentes structures et leurs effets stimulateurs ou inhibiteurs sur la voie cGAS-STING. Ces travaux permettront d’accélérer le développement de stratégies thérapeutiques pour contrôler l’activité de cGAS-STING. 

Cette approche fait déjà ses preuves. En 2018, l’équipe a décrit les premiers inhibiteurs de STING et a démontré leur potentiel thérapeutique dans un modèle préclinique d’auto-inflammation. Dans le but de transposer ces travaux pionniers en recherche clinique, Andrea Ablasser a cofondé IFM-Due, une société biopharmaceutique, qui développe des médicaments à partir de ces inhibiteurs. Ainsi, l’ensemble des travaux de la chercheuse pourraient changer de manière significative la prise en charge d’un grand nombre de pathologies inflammatoires.

Andrea Ablasser en quelques mots

Andrea Ablasser a fait ses études de médecine à l’Université Louis-et-Maximilien de Munich (LMU), en Allemagne. Elle a obtenu son doctorat en médecine en 2010 à cette même université, sur l’immunothérapie contre le cancer. Après son post-doctorat et ses premiers pas en tant que cheffe d’équipe junior à l’université de Bonn, Andrea Ablasser a rejoint l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (Suisse), où elle dirige l’équipe « Innate immunity ». Elle a obtenu des nombreuses distinctions au cours de sa carrière scientifique, y compris le Prix Eppendorf pour jeunes chercheurs européens et le Prix Latsis (Swiss National Science Foundation) en 2018, ainsi que la Médaille d'or de European Molecular Biology Organisation (EMBO) en 2021.

© Alexandre Darmon / Art in Research pour la Fondation Bettencourt Schueller
  • 2010 Doctorat en médecine, Université Louis-et-Maximilien de Munich (LMU), Allemagne.

  • 2014 Dirige l’équipe « Innate immunity » à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne

  • 2018 Prix Latsis (Swiss National Science Foundation)

  • 2021 Médaille d'or de European Molecular Biology Organisation (EMBO)

  • 2024 Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant

Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant

Le Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant récompense chaque année un chercheur de moins de 45 ans pour l’excellence de ses travaux et sa contribution remarquable à son domaine de recherche scientifique. Ce prix est attribué selon les années à un chercheur établi en France ou travaillant dans un autre pays d'Europe. Vingt-sept lauréats ont été récompensés depuis 1997. A partir de 2023, la dotation de ce prix récompense personnellement le lauréat à hauteur de 100 000 euros.

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