En manque de structures et de moyens, les services de l’Aide sociale à l’enfance ont aujourd’hui beaucoup de mal à offrir aux jeunes les plus vulnérables un accompagnement adapté à leurs besoins et à leur épanouissement. Face à ce constat, de nombreuses associations se mobilisent pour être aux côtés des jeunes les plus fragiles. La preuve avec ces trois initiatives, largement soutenues par la Fondation Bettencourt Schueller.
En France, plus de 300 000 enfants sont placés sous la protection de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Maltraités, délaissés par leurs parents, en danger, mis sous protection judiciaire ou administrative, ils sont pris en charge par les services de l’ASE qui cherchent d’abord à identifier le lieu de placement le plus adapté à leurs besoins, établissant ensuite avec cette structure les conditions dans lesquelles ils seront accueillis. Débordés, en manque de lieux et de moyens, ces services ne parviennent pas toujours à mettre en place des conditions optimales de vie et d’épanouissement pour ces jeunes, déjà très fragilisés. Tout aussi inquiétant, ils ont ensuite souvent du mal à assurer un accompagnement pourtant indispensable, et prévu dans les textes, l’ASE étant chargée « d’apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux jeunes de moins de 21 ans confrontés à des difficultés sociales susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ». Ces dysfonctionnements se révèlent dévastateurs pour les enfants, et la société tout entière, comme en témoigne ce chiffre édifiant : aujourd’hui en France, une personne sans domicile fixe sur quatre a été un enfant suivi par l’Aide sociale à l’enfance. Face à ce constat, les associations multiplient les initiatives…
Colibri, offrir aux enfants de vrais lieux de vie
Accompagner les jeunes les plus fragiles en leur offrant des refuges où ils peuvent retrouver confiance, se (re)construire et penser leur avenir… C’est pour relever ce défi que les Scouts et les Guides de France ont fondé en 2017 l’association Le Colibri, avec une ambition précise : créer des lieux de vie pour des jeunes de 7 à 21 ans qui relèvent de l’Aide sociale à l’enfance mais « en rupture de placement », reprenant les principes éducatifs du scoutisme. « Notre méthode est fondée sur l’engagement, la vie collective et la solidarité » Jérôme Aucordier, Directeur général de l’association
Répartis dans toute la France, ces lieux fonctionnent sur le même modèle : une petite structure, des effectifs réduits, un esprit de famille… Les enfants bénéficient d’une chambre individuelle et partagent des espaces pour prendre leur repas, vivre des temps de jeux, d’activités mais aussi de tâches communes. Tous sont encadrés par une équipe d’éducateurs, de psychologue et une maîtresse de maison qui leur offrent un accompagnement continu et sur mesures. Les objectifs ? Reprendre une scolarité, envisager un cursus professionnel et renouer des liens avec leur famille, lorsque c’est possible. Elément déterminant pour qu’ils retrouvent un sentiment de sécurité, tous savent qu’ils sont accueillis le temps qu’il faudra, avant de trouver une solution satisfaisante...
La démarche se révèle très efficace. Les enfants hébergés dans les maisons du Colibri reprennent le chemin de l’école ou du lycée dans les 3 à 6 mois après leur prise en charge et les équipes constatent une stabilisation rapide de leur équilibre psychologique. Le Colibri a inauguré en mai 2022 sa 10ème maison aux Pavillons-sous-bois qui accueille 10 adolescents de 15 à 18 ans. Une victoire de plus pour l’association qui accompagne 70 jeunes en France et compte augmenter encore le nombre de ses lieux, à l’horizon 2025.
La Touline, aider aussi les jeunes adultes
Après avoir grandi en foyer ou dans une famille d’accueil, beaucoup de jeunes se retrouvent dans une situation difficile au moment de leur majorité ; privés soudain du dispositif d’aide dont ils bénéficiaient alors qu’ils n’ont pas toujours terminé leur cursus scolaire et qu’ils manquent souvent encore d’autonomie. C’est pour résoudre cette question que la Fondation Apprentis d’Auteuil mène depuis 2016 une démarche très innovante baptisée « La Touline », par référence au cordage qu’un marin lance sur le quai d’un port pour s’amarrer.
L’association a ainsi inauguré dans 15 villes de France des lieux d’écoute et de rencontre qui visent à prévenir la dégradation de la situation sociale de ces jeunes, éviter une rupture dans leur formation et faciliter leur insertion. Ils ne sont ni hébergés ni aidés financièrement mais, grâce à ce dispositif, ils ne sont plus seuls. Les jeunes sont écoutés, encouragés et bénéficient d’un accompagnement dans leurs démarches pour remplir un CV, préparer un entretien, régler un problème administratif ou trouver un hébergement d’urgence si nécessaire, grâce à des relais avec des associations partenaires. « En se consacrant au passage à la vie adulte, période délicate pour tous les jeunes et encore plus pour ceux déjà fragilisés dans leur parcours, la Touline répond à un sujet crucial, et pourtant délaissé par la société. » conclut Hugues Herdalot, responsable national du programme Touline Apprentis d’Auteuil.
Un défi que l’association a relevé en ouvrant 17 Toulines entre 2017 et 2022, en France métropolitaine et en outre-mer. Apprentis d'Auteuil souhaite maintenant poursuivre l'accompagnement, au plus près du parcours de chaque jeune vers l'autonomie, et répondre à une demande grandissante.
La maison des plus petits, accueillir les jeunes enfants en situation de handicap
En France, plus de 70 000 enfants placés par l’Aide sociale à l’enfance sont reconnus handicapés. Or très peu de solutions de placement sont prévues pour eux, notamment pour les plus jeunes (entre 0 et 6 ans) qui, parfois, restent plusieurs mois, voire plusieurs années à l’hôpital. « J'ai travaillé comme infirmière en pouponnière médicalisée et j’ai été bouleversée par la souffrance de ces enfants, souvent polyhandicapés et privés d’affection dès leur naissance. Face à ce constat, j’ai décidé de créer La Maison des plus petits, pour les accueillir et prendre soin d’eux dans un environnement familial qui leur apporte la sécurité et les soins dont ils ont besoin pour grandir. » Une situation tragique qui a particulièrement émue Violaine Roger, présidente de l’association La Maison des plus petits.
L’association a inauguré son premier lieu de vie en 2022 à Marseille. Celui-ci peut accueillir jusqu’à sept enfants de 0 à 6 ans, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, dans l’attente d’un retour à domicile, d’une famille d’accueil ou d’un placement dans une structure adaptée. Un couple responsable de la maison (l’un est médecin retraité), une orthophoniste et trois jeunes en service civique vivent en permanence avec les enfants, afin d’instaurer la chaleur et la sécurité d’un environnement familial. Ils sont épaulés par une équipe de professionnels : infirmière, psychomotricienne, kinésithérapeute, éducatrice de jeunes enfants, auxiliaire de puériculture, orthophoniste.
Après une première expérimentation à Marseille, l’association a pour ambition d’ouvrir un second espace dans les Yvelines répondant au même principe... Offrir à ces enfants l’environnement médical et humain indispensable à leur développement, et à leur épanouissement…
Une maison pour accueillir, soigner et entourer les plus petits