L’école parisienne de design et d’architecture d’intérieur privilégie depuis toujours l’innovation et la transversalité des disciplines. La preuve avec l’Atelier Campus, un ambitieux dispositif mis en place en 2018 avec le soutien de la Fondation Bettencourt Schueller. L’objectif ? Permettre à chaque étudiant de se familiariser avec des savoir-faire d’excellence tout au long de sa formation. Explications de René-Jacques Mayer, directeur de l’école Camondo et témoignages de deux anciens diplômés.
Réconcilier le beau et l’utile… La mission a présidé à la création du Musée des Arts Décoratifs (MAD), imaginée à la fin du XIXème siècle par un groupe d’industriels, de créateurs et de collectionneurs français. Elle est également la clé de voûte de l’école Camondo, créée en 1994 et pensée en synergie avec le musée - spécificité unique en Europe. Fidèle à cet objectif commun, l’institution ne cesse de s’adapter à l’évolution des métiers auxquels elle prépare aujourd’hui quelque 500 étudiants, répartis sur deux sites à Paris et Toulon. Pour cela, elle s’envisage de plus en plus comme un espace ouvert sur le monde, avec une conviction. « Une école, ce n’est plus seulement quatre murs… Une grande partie de nos activités sont désormais menées à l’extérieur car il est indispensable d’aller là où les choses se font, et se pensent. Aujourd’hui, Camondo est une constellation ! » précise René-Jacques Mayer, directeur de l’école depuis 2015.
Dans cet esprit, et grâce au soutien de la Fondation Bettencourt Schueller, l’école a lancé en 2018 un ambitieux programme baptisé « Atelier Campus », permettant aux étudiants d’aller à la rencontre d’artisans d’art afin de découvrir les savoir-faire d’excellence. Jusqu’en licence, les élèves rejoignent des ateliers deux jours par trimestre pour des séances d’immersion durant lesquelles ils observent et dialoguent avec ces professionnels autour des potentialités de la matière : métal, céramique, verre, textile….
Durant leur master, ils y passent une semaine par an et réalisent un projet qui sera évalué lors de leur diplôme. En fin de parcours, tous seront familiarisés avec une dizaine de savoir-faire parmi les 40 proposés. « Nous avons la chance en France de posséder un réseau unique d’artisans d’art et de manufactures d’excellence, très impliquées dans la création, poursuit René-Jacques Mayer. L’expérience est précieuse pour l’appropriation de ces savoir-faire par nos étudiants. Elle répond à leur désir de revenir à la matérialité, de comprendre les processus de transformation, de se confronter à l’échelle et à la réalité des objets. Une façon de compenser ce tout numérique qui signe l’époque. »
Preuve de l’impact très concret d’« Atelier Campus », les étudiants intègrent de plus en plus la question des métiers d’art dans leurs projets, y compris dans les sujets libres qu’ils présentent pour leur diplôme. En juin dernier, 10 % étaient fondés sur ces savoir-faire et de jeunes diplômés ont même amorcé leur activité professionnelle en lien direct avec les artisanats expérimentés. Par ailleurs, l’expérience participe désormais à l’attractivité de l’école, constituant l’un des critères clé dans le choix de Camondo. En avril dernier, l’exposition des travaux des diplômés 2021, réalisés en association avec les artisans d’art rencontrés, a sans doute contribué à cet intérêt, réunissant en trois jours 10 000 visiteurs dans l’une des galeries du MAD -sans compter la création d’un site rattaché à celui de l’Ecole qui restitue les projets présentés ainsi que les workshops et conférences organisées.
Expérimentée et mise en place grâce au soutien de la Fondation, cette ouverture aux métiers de la main fait désormais partie intégrante du cursus proposé par l’Ecole, qui entend amplifier encore ses actions. Elle compte ainsi développer l’expérience née en 2019, dans son antenne à Toulon en l’élargissant aux savoir-faire locaux. Elle se rapproche également d’institutions et écoles comme l’ENSAD ou la Manufacture des Gobelins pour relever un nouveau défi, celui d’une école pilote, avec des programmes élargis à une vaste communauté d’étudiants.
Témoignages
Anaïs Junger, 27 ans, diplômée en 2019
« J’ai suivi une première formation en design de l’objet et j’ai ensuite choisi Camondo car l’école offrait la plus grande ouverture sur l’extérieur -notamment autour du travail de la main. La création d’Atelier Campus en 2018 a été une aubaine pour moi mais l’expérience est très précieuse pour tous les étudiants, surtout ceux qui n’ont pas de background manuel. Je pense en effet qu’il est essentiel de s’approcher de la matière pour bien concevoir, pour s’assurer que l’on dessine des choses réalisables. Pour mon projet de diplôme, j’ai réalisé une collection d’objets en verre baptisée « Formes libres sous influence », à partir de moules récupérés de l’industrie de la plasturgie et j’ai collaboré pour cela avec les artisans du CIAV (Centre International d’Art Verrier de Meisenthal). Ils m’ont fait découvrir leur savoir-faire et nous avons pensé ensemble un projet très innovant puisqu’ils se sont attachés à souffler des formes en verre pour de l’outillage traditionnellement en plastique. Diplômée en 2019, j’ai créé depuis mon agence d’architecture intérieure et je cherche à injecter des collaborations comme celles-ci dans chacun de mes projets. Ma démarche est toujours la même… Pas question de dessiner des objets que les artisans exécuteraient ensuite ; je travaille avec eux dans une relation d’égal à égal, et une vraie co-conception ».
Camillo Bernal, 26 ans, diplômé en 2021
« J’ai rejoint Atelier Campus en quatrième année seulement, lorsque je suis arrivé dans l’Ecole. J’ai participé à un premier workshop et l’expérience a tout de suite constitué une révolution. J’ai d’abord compris qu’on pouvait travailler sans avoir le nez toujours collé à son ordinateur ! Plus sérieusement, la découverte des métiers d’art a transformé ma façon de penser la création en la rendant, d’emblée, plus concrète. Pour mon diplôme, j’ai choisi comme thème « la poule et le poulailler », sujet qui m’est cher car mes grands-parents étaient fermiers. J’ai construit un nichoir, une mangeoire, une lampe chauffante… Le tout en collaboration avec les ateliers les plus prestigieux : le ferronnier d’art François Pouenat, François Passolunghi et son atelier de rotin, la Manufacture de Sèvres, les poteries Ravel. Autant d’artisans exceptionnels que je n’aurais jamais pu approcher sans l’Atelier Campus. Diplômé en 2021, j’ai créé mon activité en conservant des liens étroits avec ces artisans et j’intègre régulièrement leurs savoir-faire dans mes projets ».
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