Avec le festival Chants libres, l’art choral rayonne à travers la France Entretien avec Roland Hayrabedian, chef du chœur Musicatreize.
Pour sa quatrième édition, la Fondation donne une nouvelle ampleur au festival Chants libres avec 60 événements organisés les 28, 29 et 30 juin dans sept régions de France. Concerts, surgissements et ateliers musicaux seront proposés par des ensembles professionnels de haut niveau, en lien avec les chœurs amateurs et les chorales scolaires de chaque région.
Notre entretien avec le chef de chœur Roland Hayrabedian qui présente la programmation imaginée en région Sud et les grands enjeux de cette manifestation.
Pouvez-vous tout d’abord nous présenter Musicatreize. Quel est l’esprit de votre ensemble ?
Musicatreize a été créé en 1987 pour promouvoir le répertoire du XXe siècle. Il explore l’univers vocal sous toutes ses formes, des voix a capella aux œuvres pour chœur et orchestre en passant par le théâtre musical. Nous puisons dans la culture du bassin méditerranéen l’essentiel de notre démarche, en nous attachant à mettre en regard les époques et les esthétiques pour tisser des liens inédits, entre Franz Schubert et le compositeur arménien Michel Petrossian, Clément Jannequin et le compositeur marseillais Régis Campo.
En 2019, le ministère de la culture a désigné Musicatreize comme Centre d’art vocal pour la région Sud. Quelle est la mission dévolue à ces institutions ?
Ces ensembles sont distingués par le ministère de la Culture pour leur engagement dans la production et l'éducation artistique au sein de leur territoire. Désignés Centre d’art vocal, ils œuvrent au rayonnement de l'art choral autour de quatre missions : créer, diffuser, transmettre et partager. Dans ce cadre, nous avons développé le projet Tous chanter ! pour replacer le chant choral au centre des activités musicales de la région. Nous sensibilisons les jeunes générations à cette discipline ; nous accompagnons les chœurs amateurs et mettons en place les échanges indispensables à la vie musicale, entre le public, les professionnels, les amateurs, les scolaires...
Quelles sont vos actions concrètes ?
Nous avons lancé l'opération Chanter au quotidien qui propose, chaque jour, des sessions de chant dans les écoles élémentaires, encadrées par un professionnel. Nous multiplions aussi des actions de sensibilisation dans les collèges et les lycées. Nous avons créé le chœur Meridiem Borealis, destiné aux professionnels de la musique de la région, avec l’objectif de favoriser les échanges. Par ailleurs, nous rassemblons chaque année différents chœurs qui se produisent dans notre auditorium.
Parallèlement à ces activités, vous participez depuis deux années au festival Chants libres. Quel regard portez-vous sur l’expérience ?
J’ai rejoint l’aventure Chants libres en 2023 et je veux tout d’abord dire à quel point je m’y sens à ma place. Ce festival incarne toutes les valeurs que je défends au quotidien, via Musicatreize et le Centre d’art vocal : le goût de l’excellence, une volonté d’ouverture et de partage. Chants libres est une initiative indispensable à la vie du chant choral. Nous avons un besoin crucial d’initiatives comme celle-ci pour assurer le rayonnement de cette discipline, permettre aux chœurs de rencontrer, et élargir leur public.
L’excellence et le partage… Votre programmation a été conçue autour de ces exigences ?
Nous l’avons pensé autour de deux temps forts. Le concert d’ouverture avec KhenKhenou, l’œuvre du compositeur libanais Zad Moultaka inspirée du livre des morts égyptiens et présentée dans le magnifique amphithéâtre du village de Châteaudouble. Le concert de clôture avec une célébration du vin et de la vie qui mêlera les chansons à boire de Berlioz ou Saint-Saëns et l’œuvre Dionysos, le vin, le sang, du compositeur Alexandros Markeas, le tout dans le manège équestre du château la Font du Broc. Ainsi, nous commençons par un rituel et finissons par une fête ! Entretemps, nous avons imaginé, avec les chœurs amateurs de la région, des parcours qui célébreront la musique via des programmes variés : musiques de films, chansons traditionnelles, jazz… Pour chacun de ces moments musicaux, nous avons opté pour des lieux inattendus, en pleine nature, dans le bruissement d’une cascade, sur une placette. Et nous nous adressons chaque fois à un public très large, pour partager et fédérer.
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Ce festival prend une nouvelle ampleur à chaque édition. Comment voyez-vous son développement ? Que pourrait-on encore imaginer ?
Avec Chants libres, la Fondation Bettencourt Schueller a pensé un dispositif d’une grande richesse, doté d’un vrai potentiel de développement. Nous pourrions imaginer une déclinaison avec de mini-festivals au fil de l’année, et des chœurs qui s’inviteraient les uns et les autres. Nous pourrions aussi tisser des liens avec chacun des chœurs professionnels qui participent à structurer le festival dans les régions où il se déploie. Tout cela permettrait de décupler l’impact de Chants libres, et réaliser un changement d’échelle.
Chants libres s’inscrit dans l’engagement de longue date de la Fondation en faveur du chant choral. Quel rôle joue-t-il, selon vous, dans le rayonnement de cette discipline en France ?
En 1994, notre ensemble a reçu le Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral, ce qui lui a permis de prendre son élan. La Fondation nous a donné une dotation et une visibilité qui ont constitué une bouffée d’air vitale pour notre ensemble. À partir du moment où on reçoit cette récompense, on voit l’avenir de façon plus sereine. On prend confiance, on développe une nouvelle énergie. Ce prix suscite toujours une grande fierté, il signe aussi l’entrée dans une communauté très vivante. Il ne constitue pas une fin en soi mais au contraire les prémisses d’un compagnonnage – entre les ensembles et avec la Fondation elle-même qui nous intègre à de nombreux projets. En France, les récompenses autour du chant choral sont moins nombreuses que dans les pays du Nord par exemple, mais ce prix reste unique, et très envié, pour la qualité de l’accompagnement offert. Et ceci vaut bien mieux qu’un trophée sans lendemain !
De la Bretagne aux Hauts-de-France, de l’Occitanie à la Bourgogne, le festival Chants libres fera rayonner l’art choral grâce à la participation d’ensembles professionnels qui ont œuvré avec des chœurs amateurs et scolaires pour offrir une programmation aussi riche que diversifiée, le tout avec un objectif : sensibiliser le grand public à la musique, notamment celui éloigné des circuits traditionnels de la culture.